Litigation

Action de groupe contre le gouvernement français contre le profilage ethnique par la police

Court
Domestic Courts
Country
France
Status
Active
Case Manager

Problème

Le profilage ethnique par la police est un problème largement répandu et systémique en France. Les hommes jeunes sont ciblés de manière disproportionnée lors de contrôles d’identité, qui s’accompagnent souvent de fouilles et palpations, sur la base de leur couleur de peau, de leur appartenance ethnique, de leur « race », de leur religion ou de leur nationalité d’origine supposée. Ces contrôles d’identité sont discriminatoires et donc illégaux. Ils constituent également une violation d’autres droits fondamentaux, tels que la liberté de circulation, la vie privée et familiale et le respect de la dignité humaine. En dépit des nombreux rapports d’universitaires et d’institutions indépendantes nationales et internationales dénonçant cette pratique illégale, de la mobilisation sociale appelant à des réformes, et des décisions de justice condamnant les autorités françaises, ces dernières ont été en défaut de résoudre ce problème.

Procédure judiciaire

Six organisations non gouvernementales (ONG) ont engagé la première action de groupe contre les autorités françaises en raison des contrôles d’identité discriminatoires, en faisant usage d’une loi adoptée en novembre 2016. Cette procédure innovante peut déboucher sur des « remèdes structurels » qui s’attaquent directement aux causes profondes du profilage ethnique au niveau institutionnel, par le biais d’une décision de justice ordonnant au gouvernement français de prendre les mesures utiles. Ces mesures se distinguent de « dommages et intérêts » dans la mesure où elles exigent des autorités qu’elles modifient le « système » par le biais de réformes des lois et des pratiques. Compte tenu de la nature centralisée de la police en France, cette action de groupe permet qu’interviennent des réformes systémiques fondées sur une décision judiciaire contraignante et applicable à l’échelle nationale.

L’action de groupe en droit français se déroule en deux phases. D’abord, les plaignants doivent adresser une lettre de mise en demeure aux défendeurs responsables de la discrimination, ce qui ouvre une phase de négociations de quatre mois. Si les négociations n’aboutissent pas à un résultat satisfaisant, les plaignants peuvent porter l’action de groupe devant le juge et lui demander qu’il ordonne au gouvernement de prendre toutes les mesures utiles pour mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires.

Les six ONG ont adressé une telle lettre de mise en demeure au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur et au ministre de la Justice français le 27 janvier 2021.

Les autorités françaises n’ayant pas accusé réception de cette lettre ni engagé de discussion, les ONG ont décidé de porter l’action de groupe devant le Conseil d’Etat.

Implication de l’Open Society Justice Initiative

L’Open Society Justice Initiative est l’une des ONG plaignantes, aux côtés d’Amnesty International France, Human Rights Watch et trois organisations françaises de terrain : la Maison communautaire pour un développement solidaire (MCDS), Pazapas et Réseau égalité antidiscriminations justice interdisciplinaire (REAJI).

Argumentation

L’échec de l'État français à mettre fin au profilage ethnique

Les plaignants soulignent que l’État français est responsable de discrimination en ce qu’il est resté en défaut d’adopter des mesures concrètes et efficaces pour mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires généralisés. Pour démontrer ce manquement, les plaignants ont présenté de nombreuses preuves de trois types :

  1. Les témoignages de plusieurs dizaines de personnes qui ont été la cible ou le témoin de contrôles d’identité discriminatoires par la police. Leurs témoignages attestent de la persistance de ces pratiques dans de nombreuses villes de France et décrivent leurs effets dévastateurs.
  2. Les témoignages de policiers qui confirment que le profilage ethnique est une pratique répandue en France.
  3. De multiples décisions, avis, rapports et études publiés par des académiques et des institutions indépendantes de défense des droits humains, aux niveaux national et international, reconnaissant l’existence de contrôles d’identité discriminatoires dans toute la France. Les plaignants ont également fait référence à des déclarations de responsables politiques français, dont le président de la République Emmanuel Macron, qui ont reconnu l’existence du profilage ethnique par la police en France.

Une pratique généralisée et systémique sur le territoire français qui nécessite des mesures systémiques

Les plaignants soulignent la nature ancienne et répandue des contrôles d’identité discriminatoires en France et leurs racines profondes en France. Ils soulignent que ces pratiques discriminatoires ne sont pas des actes isolés ou exceptionnels commis par des policiers individuels, mais au contraire des pratiques systémiques résultant de lois, de politiques, de pratiques institutionnelles et d’une culture organisationnelle. Pour mettre fin à ce problème, il faut dès lors une réponse systémique, impliquant un ensemble complet de mesures qui s’attaquent aux différents facteurs à l’origine de la persistance de ces pratiques.

Le profilage ethnique viole le droit à la non-discrimination et d’autres droits humains, notamment le droit à la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée, le droit à la liberté et à la sécurité, et l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants.

Des réformes systémiques sont nécessaires pour mettre fin au profilage ethnique

L’objectif de l’action de groupe est que soient ordonnées et mises en œuvre des réformes structurelles qui contribueront à mettre fin à la discrimination systémique commise par la police en France. Une mesure unique ne sera jamais suffisante pour résoudre à elle seule un problème aussi complexe. S’appuyant sur des expériences et des compétences comparatives dans ce domaine, les plaignants demandent l’adoption de mesures dans quatre domaines :

  1. Réformer le cadre juridique autorisant les contrôles d’identité de la police. Le cadre des contrôles d’identité doit être modifié afin d’interdire expressément les discriminations lors des contrôles d’identité, d’interdire les contrôles d’identité administratifs (il s’agit de contrôles préventifs visant à maintenir l’ordre public, autorisés indépendamment du comportement de la personne) et de limiter les pouvoirs de la police afin que les contrôles d’identité ne puissent être effectués que sur la base d’un soupçon objectif et individualisé de la commission d’une infraction. Des directives détaillées doivent être adressées à la police pour accompagner cette réforme.
  2. Renforcer la redevabilité de la police envers le public. Les contrôles d’identité effectués par la police doivent être contrôlés afin de s’assurer de leur conformité avec la loi et le principe de non-discrimination. Les contrôles doivent donc être systématiquement enregistrés et une copie de la preuve du contrôle doit être remise à chaque personne contrôlée, indiquant l’heure, la date, le lieu, le numéro d’identification de la police, l’origine de la personne contrôlée, la base légale, les raisons et les suites éventuelles du contrôle. En outre, les données anonymisées relatives aux contrôles d’identité doivent être collectées et évaluées, et les résultats mis à la disposition du public. Enfin, les droits des victimes doivent être renforcés par la création d’un mécanisme de plainte véritablement indépendant et effectif.
  3. Redéfinir le cadre professionnel de la police. Les pratiques et la culture policières doivent être modifiées. Cela nécessite notamment : d’identifier et de modifier les politiques qui génèrent des contrôles d’identité discriminatoires, tels que les objectifs de performance quantitatifs ; de renforcer la supervision des policiers, y compris l’évaluation régulière des interactions des agents avec la population et la prise de mesures suite à des pratiques discriminatoires, en ce compris des sanctions disciplinaires ; et de réformer la formation de la police pour garantir une compréhension approfondie de ces mesures.
  4. Mettre en œuvre et suivre les réformes. La mise en œuvre de réformes aussi ambitieuses devra faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation appropriés par un organisme indépendant, avec la participation effective des personnes et des minorités directement concernées.
October 11, 2023

The Council of State issues its judgement. It recognizes the existence of an established practice of ethnic profiling in France that is not limited to isolated incidents, and the failure of French State to take necessary steps to prevent and remedy this discriminatory practice. The Court declined to require the government to take specific measures to address the issue, arguing that this would exceed its constitutional mandate.

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September 23, 2023

The Council of State holds a hearing before the "assemblée du contentieux" comprising 17 judges, which rules on cases considered to be of exceptional importance.

May 24, 2022

The UN Special Rapporteur on contemporary forms of racism, racial discrimination, xenophobia and related intolerance files an intervention before the Council of State.

Third-party intervention by the special rapporteur on contemporary forms of racism, racial discrimination, xenophobia and related intolerance Download the 24-page document. Download
July 22, 2021

Les six ONG déposent la requête d’action de groupe devant le Conseil d’État.

May 27, 2021

La période de quatre mois expire, les autorités françaises n’ayant pas accusé formellement réception de la lettre de mise en demeure et n’ayant pas entamé de négociations avec les parties.

January 27, 2021

Les six ONG addressent une lettre de mise en demeure au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur et au ministre de la Justice. Ces parties ont a quatre mois pour engager, s’ils le souhaitent, des discussions avec les plaignants et répondre aux demandes contenues dans la lettre de mise en demeure. Si la réponse des autorités françaises n’est pas satisfaisante, les plaignants peuvent décider de porter l’affaire en justice et demander au juge qu’il ordonne les réformes structurelles nécessaires.

October 11, 2023
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May 24, 2022
Third-party intervention by the special rapporteur on contemporary forms of racism, racial discrimination, xenophobia and related intolerance Download the 24-page document. Download
May 24, 2022
Tierce intervention de la rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance Télécharger le document de 11 pages Download
April 01, 2022
Recherche introduite devant le Conseil d’État : exemples de mesures correctives structurelles et de réformes (Anglais) Téléchargez le document de 23 pages. Download
April 01, 2022
Recherche introduite devant le Conseil d’État : exemples de mesures correctives structurelles et de réformes Téléchargez le document de 27 pages. Download
March 12, 2022
Étude comparée introduite devant le Conseil d’État sur les contrôles d’identité discriminatoires et mesures pour y mettre fin Téléchargez le document de 153 pages. Download

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